Extraits choisis « Cher amour »
Bernard GIRAUDEAU aux éditions Métailié
« Ce qui suit vous est conté, madame T, ma chère, irremplaçable madame T. Je ne sais où vous serez, mais je devine déjà votre intérêt pour ces voyages, ces mots, ces aveux parfois. […] Je soupçonne votre sourire à certains passages, votre joue légèrement froissée, appuyée sur votre main, l’autre tournant lentement les pages, sans voracité, laissant un doigt sous la précédente comme si vous alliez la relire, mais que vous abandonnez pour la suivante. […] Ces voyages sont des récits au pays des hommes. Voyager, on n’en revient jamais. Je vous écris pour prolonger l’instant, garder une trace, tordre le cou à la fugacité, à l’oubli. […] Je ne vous écris pas ces voyages par nostalgie de l’exotisme, d’un ailleurs rédempteur, mais pour retenir des instants, des visages, des circonstances humaines et géographiques parce que là où le soleil se lève les hommes ont le même souci de vivre, de comprendre, de sourire à l’autre, d’effacer la souffrance et de donner un sens à leur existence. […] Le voyage est une aube qui n’en finit pas. Comme Jim Harrison, je trouve que c’est beau, l’aube, les aubes du monde. […] Le bonheur du voyage c’est de faire tout pour la première fois ».
S’il y a un instant que je souhaite retenir, c’est celui de notre arrivée au Pérou. J’ai toujours trouvé étrange de passer une frontière. La frontière symbolise le passage… et bizarrement depuis notre départ nous n’en avons pas fait l’expérience. Nous avons survolé l’océan pour arriver directement dans un pays. C’est comme ça que l’on voyage aujourd’hui. En sautant d’un point à un autre. Cadeau du destin, c’est à pieds que nous devrons passer la frontière entre la Bolivie et le Pérou. A quelques centaines de mètres de la frontière on nous demande de quitter le bus. Il nous rejoindra de l’autre côté de la rive. Nous quittons donc la Bolivie en montrant pattes blanches, et empruntons un pont piétonnier. Plus en Bolivie, et pas encore au Pérou. Nous sommes sur la frontière. Curieusement, au Pérou nous arrivons directement dans une rue. Il ne semble pas y avoir de barrière ou de douaniers. Il faut pourtant certainement nous annoncer aux autorités avant de regagner le bus. Où est-il d’ailleurs ?... Aucun bus. Nous cherchons des visages connus et suivons le mouvement de ceux qui sont habitués à passer cette frontière. Après quelques formalités administratives dans un bureau qui nous semble être d’un autre temps, nous retournons dans la rue. Le bus nous y attendait … Impossible de dire par où il était arrivé…
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