Qu'est-ce qui pousse des hommes et des femmes à affronter les parois vertigineuses de ces sommets ?
Extraits choisis "Des Conquérants de l'inutile" de Lionel Terray
Seuls les esprits vulgaires oseront prétendre que " le travail " de l’acrobate de cirque, dont chaque geste est monnayé, a plus de valeur que l’effort du gymnaste qui, au risque de compromettre son avenir, sa santé et même sa vie, consacre gratuitement le meilleur de lui-même à la recherche de l’idéal d’incroyable mérite qu’il s’est forgé.
Ma vie n’a été qu’une longue et délicate partie d’équilibre entre l’action gratuite, par laquelle je poursuivais l’idéal de ma jeunesse, et une sorte de prostitution honorable assurant mon pain quotidien.
Quel est l’esprit vulgaire qui osera prétendre que la prostitution utile valait mieux que les exploits gratuits ? […] Sont-ils utiles les millions d’intermédiaires aux titres honorables qui encombrent l’économie ? Les millions de ronds-de-cuir décorés, titulaires de sinécures qui ruinent l’État et paralysent l’administration ; et les millions de bistrots, de chroniqueurs, d’avocats et de bavards en tous genres, qu’on pourrait supprimer demain pour le plus grand bien de tous !...
Et même sont-ils utiles les médecins qui, au cœur des grandes cités, se disputent la clientèle comme des chiens affamés alors qu’un peu partout sur la terre des hommes meurent, faute de soins !
En ce siècle où l’on a cent fois démontré que l’organisation rationnelle permet de réduire dans d’immenses proportions le nombre d’hommes nécessaires à chaque tâche, combien peuvent assurer être l’un des rouages vraiment utiles à la grande machine du monde ?
À la fin de l’hiver 1941, je réalisai que les fragiles fondements de ma libre et merveilleuse existence devenaient chaque jour plus instables. Il était évident que, malgré son immense bonté, ma mère ne pourrait pas éternellement m’entretenir comme un cheval de race. C’est alors qu’une corde de salut vint s’offrir à moi.
À la fin de l’hiver 1941, je réalisai que les fragiles fondements de ma libre et merveilleuse existence devenaient chaque jour plus instables. Il était évident que, malgré son immense bonté, ma mère ne pourrait pas éternellement m’entretenir comme un cheval de race. C’est alors qu’une corde de salut vint s’offrir à moi.
Ce qui m'a poussé à consacrer ma vie à l'escalade des montagnes était moins un ensemble d'idées précises que mon tempérament et ma façon de réagir devant la vie... Dans les autobiographies d'alpinistes je n'ai trouvé le plus souvent que le visage du conquérant des cimes, espèce de héros détaché de la société et sans problème proprement humain. J'aurais aimé découvrir l'homme derrière ce masque, savoir dans quel milieu il a vécu, quelles difficultés morales et matérielles il a surmontées afin de poursuivre son idéal.
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