Alternatives théâtrales n°83 – 4ème trimestre 2004
Extrait d’un texte de Paul Biot – co-fondateur d’une des premières compagnies de théâtre action, la compagnie Campus
« CROYEZ-VOUS VRAIMENT que la pauvreté
soit seulement une question sociale ?
Croyez-vous vraiment que la violence à l’école
soit juste un problème scolaire ?
Croyez-vous vraiment que l’occupation des forges
de Clabecq relève essentiellement du judiciaire ?
Croyez-vous vraiment que travailler – ou non-
appelle exclusivement un traitement économique ?
Croyez-vous vraiment que l’accès à la culture
pose uniquement un problème de prix d’entrée ?
Croyez-vous vraiment que la spéculation monétaire
traduise une simple problématique boursière ?
Croyez-vous vraiment que les délocalisations
participent seulement à l’ingénierie financière ?
Croyez-vous vraiment que l’égalité entre les êtres
concerne essentiellement le partage des tâches ?
Croyez-vous vraiment que l’organisation du pouvoir
public soit juste une question d’élection ?
Croyez-vous vraiment que l’intolérance et le racisme
relèvent du seul traitement pédagogique ?
Croyez-vous vraiment que la guerre
soit une simple police internationale ?
Croyez-vous vraiment que les génocides soient
avant tout affaire de pulsions de masse ?
Croyez-vous vraiment que la destruction des
écosystèmes soit juste un problème scientifique ?
Croyez-vous vraiment que la progression de la malbouffe
soit simplement affaire de diététique ?
Croyez-vous vraiment…
Si vous croyez tout cela, ne cherchez pas à savoir ce qu’est, et de quoi traite le théâtre-action. Ni qui sont ces gens de peu qui, dans les ateliers de théâtre-action, trouvent dans cette démarche théâtrale le lieu de leurs interrogations sur le monde, partant et parlant de leur réalité.
Et persévérez dans l’idée que les créations nées de cette démarche théâtrale sont à classer dans le domaine du social, du socio-culturel, de l’éducation permanente, ou à la limite, de la culture « largement entendue », mais pas du théâtre et surtout pas du théâtre politique.
Parce que si, pas tout à fait convaincu par ce tour de passe-passe sémantique et à défaut de pouvoir assister à la centaine d’œuvres créées annuellement dans les ateliers des compagnies de théâtre-action, vous prenez le temps de parcourir les documents qui en font état, il vous apparaîtra rapidement que si ce sont ces thèmes issus de l’espace social (ou citoyen) qui forment le fond des productions théâtrales, c’est en haussant les questions au niveau de l’interrogation politique que les situations et les mécanismes sont scrutés et « offerts en spectacle » […] »