Mes deux précédents billets ont suscité de nombreuses et diverses réactions… c’est très heureux ! Je souhaite aujourd’hui revenir sur ce qui s’est passé, et expliqué à mes lecteurs fidèles et de passage la démarche de la démocratie participative et co-responsable.
Tout d’abord, j’ai lancé un
appel à candidature … disons utopique. Les réactions des citoyens sont riches d’enseignement :
- Tili prétend ne pas pouvoir candi-dater car il y a trop de mots compliqués … Les mots ou les maux d’ailleurs ?
- Sisyphe trouve l’appel à candidature drôle et loufoque. Et puis surtout il se demande ce qu’en penserait Guillaume Pépy… On peut penser que Sisyphe est interpellé par cet appel à candidature qui est à contre courant de ce qui existe.
- Puis intervient Amélie, qui elle ne comprend pas. Elle trouve cela étonnant. Qu’est-ce que ça veut dire au juste étonnant ? Prenons la définition du petit Robert « qui produit une commotion violente, qui ébranle physiquement ou moralement »
- Enfin quelques uns ont fait jaillir les idées, les propositions
Nous voilà donc avec une utopie à laquelle peu de citoyens croient. Pourtant si vous avez cliqué sur tous les liens de l’annonce, vous avez pu contempler la richesse de l’innovation sociale, culturelle, et solidaire de notre monde contemporain.
Puis j’ai publié un très court
extrait d'une petite annonce d'une offre d'emploi pour interroger les citoyens sur l’égalité des chances… Les réactions n’ont pas tardé !
- Tili témoigne d’injustices ou plutôt d’un malaise de société quelle a ressenti quand elle était à la recherche d’un emploi
- Sisyphe reste prudent et se dit qu’il faudrait se renseigner auprès de
la HALDE - Amélie s’indigne…
Alors… ? Pourquoi ces deux billets ?... Pour que nous réfléchissions ensemble au modèle de société que nous revendiquons pour les générations futures. Pour que nous participions au débat et à l’écriture de ce projet poétique et politique… Une société plus douce, plus équitable, plus juste, plus solidaire et durable…
Je m’explique.
Revenons d’abord sur le concept d’égalité des places, socle de nos acquis sociaux. Cette conception de la société est fondée sur l’ensemble des positions occupées par les individus sans distinction de sexe, de culture, de couleur, d’âge… Cette représentation de la justice sociale vise à réduire les inégalités de revenus, de conditions de vie, d’accès aux services, de sécurité, qui sont associées aux différentes positions sociales occupées par des individus fort dissemblables en terme de qualification, d’âge, de talent, etc. L’égalité des places cherche donc à resserrer la structure des positions sociales, sans faire de la mobilité des individus une priorité. (source : « les places et les chances » de François Dubet aux éditions seuil).
En écho à l’appel à l’indignation de Stéphane Hessel et pour tous ceux qui voudraient se rafraîchir la mémoire sur les « combats » de la lutte des classes, je conseille la lecture de ce très bel ouvrage de recueil de textes de Jacques Prévert
"oCtoBRe 1932-1936" . Le groupe octobre est une de ces troupes de théâtre amateur fédérées par le parti communiste, constituées dans le prolongement de l’agit-pop soviétique. Le groupe Prévert, par la force de ses textes et la créativité débridée qui le caractérisent, devient vite le plus en vue du mouvement. L’actualité des temps troublés y est partout présente. Comme écrira Antonin Artaud à propos d’Octobre, qu’il admirait beaucoup, l’ « humour de Jacques Prévert signale que la vie de l’époque est malade ».
… Et oui, encore de la lecture me direz vous… mais c’est vrai que, même très bon, le petit livre de Stéphane Hessel ne suffit pas à rafraîchir notre mémoire.
Voyons maintenant le concept de l’égalité des chances. Toujours d’après le très bon livre de François Dubet, cette seconde conception, aujourd’hui majoritaire, consiste à offrir à tous la possibilité d’occuper les meilleures places en fonction d’un principe méritocratique. Elle vise moins à réduire l’inégalité entre différentes positions sociales qu’à lutter contre des discriminations qui perturberaient une compétition au terme de laquelle des individus égaux au départ occuperaient des places hiérarchisées. Dans ce modèle, la justice commande que les enfants d’ouvriers aient les mêmes chances que les enfants de cadres de devenir cadres à leur tour, sans que l’écart de position entre les ouvriers et les cadres soient remis en cause. Pas tout à fait la même conception de société que celle défendue par l’égalité des places n’est-ce pas ?
Expliquons maintenant la petite phrase de bas d’annonce qui a fait tant réagir. Cette offre a été publiée dans le cadre d’une politique d’égalité des chances. Ceci est clairement affiché dans l’annonce. A ce titre, conformément à la loi de lutte contre les discriminations et l’exclusion, l’employeur incite toute personne qualifiée à postuler, et cite les critères de non discrimination prévus par la loi (le sexe, l’origine raciale, le handicap…). La procédure de recrutement est clairement précisée. Il est même précisé qu’à compétence égale, une préférence pourra être donnée au candidat de la minorité la moins représentée. Cette offre d’emploi est tout à fait conforme à la loi. Par contre si l’offre d’emploi n’avait fait état que de la petite phrase que j’ai retenue, elle aurait alors été abusive et discriminante.
Pourtant, cette offre d’emploi, bien que conforme à l’égalité des chances, a fortement interpellé les citoyens… Pourquoi une telle indignation ? Je crois que l’on peut dire que c’est la preuve que notre société entretien un malaise avec toutes formes d’exclusions et de discriminations. Notre société exprime des réticences à reconnaître les minorités … et à faire progresser leurs droits.
Pour autant l’égalité des chances est-elle le modèle que nous recherchons à tout prix ? Bien sûr que non. Nous souhaitons pouvoir conserver le socle de nos acquis sociaux, mais également permettre à chacun d’accéder à la mobilité sociale. Car pour ceux qui seraient arrivés tardivement dans le débat… notre questionnement est bien là… Comment faire bénéficier à tous de la mobilité sociale et culturelle, et notamment aux plus démunis ? Car il y a bien une panne de la mobilité sociale que nous avons illustrée ici
intégration, innovation et développement culturel
Et maintenant me direz-vous ? L’échange que nous avons eu est une démonstration de ce qu’est la démocratie participative et co-responsable. Rappelons les étapes.
- observons les
indicateurs et interrogeons sur les sens possibles
Il nous reste maintenant à co-écrire notre projet poétique et politique, et inscrire la démarche dans la durée. Il nous faudra également définir nos indicateurs de bien être et du vivre ensemble et en faire un suivi. Puis il faudra que chacun définisse comment il souhaite participer à la réussite du projet… Et il faudra souvent nous revoir pour éventuellement trouver de nouvelles idées, réajuster nos pratiques, revoir nos ambitions, mettre en doute nos certitudes.
Alors vous voyez… nous avons encore beaucoup de travail à réaliser ! Il faudrait aussi que l’on élargisse notre collectif. Il faudrait qu’il soit intergénérationnel, qu’il soit multiculturel… Et puis il faudrait qu’il y ait des élus, des acteurs économiques, culturels et sociaux… Pour que nous puissions également réfléchir aux modes de gouvernance de notre projet de société.
J’espère que tous les lecteurs qui ont participé activement ou passivement au projet ont compris l’enjeu de cette démarche. Ce travail, les fonctionnaires des collectivités territoriales le réalisent tous les jours avec les élus, les citoyens et les acteurs du territoire. J’espère que tout le monde aura compris que ce travail participatif est essentiel dans l’exercice de sa citoyenneté et qu’il est important que nous essayons de le mettre en œuvre le plus souvent possible dans la relation que nous entretenons au monde et à la société. Nous ne pourrons prétendre obtenir les changements sociétaux que nous revendiquons pour les générations futures si nous ne participons pas à la co-production de ce projet. Et pour finir, j’espère que chacun aura compris que la culture et l’éducation est essentielle pour la réussite du projet… et que chacun, à la place qu’il occupe, a une responsabilité quand à la diffusion et au partage de cette culture commune qui forme notre identité multiculturelle.
Très belle soirée à tous… et à bientôt pour la suite ! Il nous reste tant de choses à faire…
Merci à tous ceux qui ont volontairement, sous la contrainte ou par hasard participé à cet atelier citoyen... et merci de vous en faire l'écho le plus souvent possible dans la relation que vous entretenez au monde et à la société.